25/10/2016

Ecrans Variables - Pellixel Pixellicule


Le passage du cinéma argentique au numérique a engendré de nombreuses mutations. Cette soirée s’intéressera aux conséquences esthétiques et techniques, mais aussi idéologiques, de cette transition : quel impact a eu le passage de l’argentique au numérique sur la fabrication, le « rendu », ou encore la perception des films ?
La première séance présentera des courts métrages qui prennent acte, documentent, analysent ou contestent le raz-de-marée numérique. La seconde séance présentera quant à elle une série d’extraits commentés consacrés à la question de l’incrustation d’images. Cette technique, souvent associée (à tort) au cinéma numérique et à ses innovations, illustre quelques-unes des problématiques qu’a pu engendrer cette mutation technique dont on ne saisit pas toujours les enjeux profonds.
 

The Futurist, 
Emily Richardson / Num. / 2010 / 4min
The Futurist est un condensé de l'expérience du visionnement d'un film, un seul plan animé à 360° dans un cinéma vide des années 1920 où le son se fait cacophonie des projections passées et où l'expérience auditive est plus proche de celle du projectionniste que de celle des spectateurs.

The Picture house, 
Emily Richardson / Num. / 2010 / 5min

‘The Picture House’ fait partie de ‘The Cinema Series’, une série de films en plan-séquence tournés dans des cinémas indépendants. Au moment où la projection numérique vient remplacer le 35mm, la place de ces lieux se fragilise. L'artiste a voulu dresser un témoignage de cette relation qui se transforme entre le film et l’architecture des cinémas, et d’une certaine façon, saisir l’essence de l’expérience traditionnelle d’aller au cinéma, où l’atmosphère suscitée par le lieu lui-même joue un rôle dans l’expérience des films par le public.

Cinema Museum, 
Mark Lewis, Num., 2008, 38min

« Le film de Mark Lewis consiste en une déambulation, identifiée aux mouvements en travelling avant d’une caméra subjective qui glisse le long des couloirs du cinema museum, s’arrête parfois sur un objet, panoramique, entre dans une salle attenante au couloir, se fraie un passage dans un espace encombré, puis repart [...] Précédant, de lieu en lieu, la caméra qui lui emboîte le pas, la voix douce d’Anna, « vraie » conservatrice du musée officiant pour lors à titre de guide, présente les éléments d’une improbable collection, tous objets endormis dans une vie silencieuse que sa voix, justement, tente de faire revivre [...] Toutefois, davantage qu’une collection distribuée selon les impératifs - de fait, variables - de la muséalité, le lieu fait surgir l’image de la casse ou de la ferraille, avec ses entassements d’objets tour à tour désuets, déchus ou fragmentaires [...] Mais que reste-t-il du cinéma, au juste, dans ce musée ? »
extrait de Cinéma muséum. Le musée d'après le cinéma, PUV, 2013, pp. 15-16

Kodak, Tacita Dean, 16mm, 2006, 44min
La cinéaste Tacita Dean a pu filmer l’usine Kodak de Chalon-sur-Saône avant la fin de la production. Le jour du tournage, un test était en-cours avec du papier à la place du film, ce qui a permis de filmer la fabrication en pleine lumière. Un très beau document sur la fin d’une époque.

02/10/2016

Ecrans variables - Le Cinéma en ruines, Bill Morrison




Si le cinéma peut, par certains aspects, ainsi que le notait André Bazin dans Ontologie de l’image cinématographique, être considéré comme une « défense contre le temps » et plus encore comme « la momie du changement », le cinéma de Bill Morrison s’impose comme une parfaite mise en application de cette idée.
Depuis le milieu des années 1990 ce réalisateur américain, maintenant incontournable, se penche avec minutie sur certaines archives cinématographiques institutionnelles. En auscultant, disséquant, décomposant des films sur support nitrate, pour la plupart engagés dans un processus de décomposition avancé, il compose une ode au cinéma des premiers temps, tout en rendant hommage à ses artisans. Face à l’urgence d’un processus irrévocable, il révèle toute la fragilité et l’instabilité de ce support argentique et manifeste la puissance évocatrice de sa disparition progressive. Véritable poésie de la décrépitude, ces films, au delà de manifester la fragilité de leur support d’origine, transcendent l’inexorable travail du temps sur la matière et la beauté fascinante de cette plastique aléatoire et transitoire.
Dans une époque où la disparition du support film est largement annoncée, voué qu’il est à ne rester qu’une affaire de spécialistes, les deux œuvres présentées ce soir nous invitent à relire un cinéma à jamais disparu et à le « sauver d’une seconde mort spirituelle » dans un ultime acte de création.


- The Mesmerist, Bill Morrison / Num. / 2003 / 16min
« Dans ce remontage du film de James Young The Bells (1926), un aubergiste (Lionel Barrymore) ayant commis un meurtre fait un rêve au cours duquel il visite une fête foraine où il est démasqué par un hypnotiseur (Boris Karloff) » 
Bill Morrison.

- Decasia – A Symphony of Decay, Bill Morrison / Bluray / 2002 / 70min
“Decasia a été réalisé en 2002. Il est constitué de divers fragments en noir et blanc du début du siècle dernier jusqu'aux années 40, certains fortement décomposés, mais qui en viennent à composer, tout en grisaille, une somptueuse allégorie de la survivance, du cycle de la création et de la destruction. Initialement, ce film était une commande du Ridge Theater, qui devait fournir un accompagnement visuel pour une symphonie de Michael Gordon dans le cadre d'une performance multimédia à Bale en Suisse, avec le Basel Sinfonietta. On peut dire que depuis cette première présentation, la donne s'est quelque peu inversée. Non que la symphonie de Gordon soit négligée ou reléguée au second plan, elle est au contraire très présente et il est difficile de concevoir le film sans elle. Il semble toutefois que, au fil des présentations et de l'intérêt croissant pour cette œuvre, ce soit désormais le film qui est l'objet premier, dans lequel s'est intégré la symphonie, et non l'inverse. »
Les films de Bill Morrison – Notes sur l’imaginaire de la ruine au cinema, André Habib, 2004