20/10/2017

Journée d’études - Territoires bouleversés, territoires pacifiés

Jeudi 9 Novembre 2017
Auditorium des archives départementales d’Ille-et-Vilaine 

Si la guerre tue, la photographie, elle, est douée d’une capacité de sidération. Dans cette mesure, l’une et l’autre suspendent, figent l’instant. Dans leurs procédures, elles s’appliquent à maîtriser, à conquérir, à capturer et entretiennent un lien fondamental avec la mort. Forte de ce constat, cette journée s’organisera en deux temps.

Au cours de la matinée, il s’agira de questionner le pendant. Ces investigations s’attacheront aux moyens endogènes à l’appareil militaire (systèmes de visées, de reconnaissances, visions à distance, drones … ) qui permettent aux forces armées d’asseoir, par l’image, leur emprise sur les territoires. Nous questionnerons les dispositifs dont le but est d’assurer la précision dans la destruction, au risque de l’aveuglement, et de garantir l’empêchement. Nous interrogerons également les différents canaux de diffusions ou les mécanismes de retentions et leurs visées parfois contradictoires. De la photographie de presse aux images télévisuelles, en passant par les prises de vues réalisées par des civils confrontés à la tourmente ou celles en provenance des acteurs du conflit, se dégagent des images soumises aux dangers, à la fois inscrites dans l’instant et renvoyées à un futur qui tend maintenant à se compresser radicalement.
L’après midi s’orientera sur la question des territoires pacifiés, nous nous pencherons sur les modalités de représentation de l’après . Qu’il s’agisse de travaux documentaires, d’albums touristiques revenant sur les traces des champs de batailles ou encore de travaux institutionnels dressant l’inventaire des pertes et destructions, ces œuvres procèdent de choix qui s’opposent parfois radicalement. Pour certaines il s’agit de figurer directement la destruction. Par ailleurs les œuvres visent au contraire à montrer moins, pour évoquer plus violemment le spectre de la bestialité guerrière. De telles images suggèrent souvent bien plus qu’elles ne décrivent, elles manifestent la violence de manière moins descriptive que métaphorique. Il conviendra de discerner comment de tels travaux nous permettent d’appréhender ce qui perdure, ou s’efface, ce que la mémoire conserve ou ce qu’elle s’empresse d’éluder d’un conflit et d’apprécier les temporalités du retour au calme, au silence et à la paix.

Cette journée veillera donc à aborder un large spectre de représentations des territoires confrontés aux guerres passées et actuelles qui s’offrent comme de multiples terrains d’études, qu’investissent très largement les artistes.

9h15 > Accueil
9h30 > Ouverture par Bruno Elisabeth
Matinée : Territoires bouleversés – le pendant
Présentation : Marion Holfeldt

9h45 > Anne Zeitz (Université Rennes 2 – Dpt. Arts plastiques)

De la machine de vision au trauma - La guerre à distance chez Omer Fast

Dans Théorie du drone, Grégoire Chamayou montre que les opérateurs de drones militaires se trouvent dans une situation ambiguë non seulement à un niveau spatial, mais également moral. Dans certains de ses travaux récents, l’artiste israélien Omer Fast se concentre sur cette ambiguïté qui émerge des guerres actuelles menées à distance en s’intéressant particulièrement à la figure du militaire. Omer Fast écoute, interprète et met en scène des acteurs de la guerre contemporaine dans leurs rapports aux cibles et aux territoires visés et aux technologies appliquées. La représentation des figures et des territoires des guerres menées à distance proposée par Fast se fait à travers le prisme du trauma qui sera développé dans cette communication.

10h15 > Marie-Dominique Bidard (Université de Montpellier)

Images de l’actualité et cartographie des conflits

Aujourd’hui, les flux d’images nous submergent ; une image en dévoile et en recouvre une autre. Les conflits, les catastrophes se déversent sur nos écrans ; la presse et les sites d’information sont des vecteurs importants de cette présence/obsolescence de la photographie d’actualité. Le champ médiatique représente (ou pas) des guerres, des conflits et des soulèvements, leur accordant alors légitimité et visibilité. Pour interroger les points soulevés, nous étudierons un corpus de photographie de presse, celui du World Press Contest, marqueur intéressant et révélateur des choix et des sélections des grands médias. A rebours de ces représentations, nous nous attacherons à comprendre les stratégies d’artistes, (Alfredo Jaar et Bruno Serralongue) dévoilant les opérations de sélections, les mises en lumière et les oublis des médias.
10h45 > Pause

11h00 > Nathalie Boulouch (Université Rennes 2 – Dpt. Histoire de l’art)

Champs de mémoire photographique de la Grande Guerre

En 1915 et 1917, Jules Gervais-Courtellemont a réalisé un important corpus de photographies autochromes sur les champs de bataille de la Marne et de Verdun. Publiées ou projetées, ces images en couleurs frappent par la distance qu’elles établissent en représentant l’après des combats. Cent ans plus tard, elles entrent en résonance avec la pratique de la canadienne Dianne Bos travaillant à son tour dans les paysages de la Grande guerre.
11h00 > Discussion
12h00 > Déjeuner

14h00 > Accueil
Après midi : Territoires pacifiés – l’après
Présentation : Bruno Elisabeth

14h15 > Nawel Sebih (Université Paris III - IRCAV)

La représentation des territoires en guerre : entre vide et brouillard

Bon nombre des représentations cinématographiques des territoires en guerre veillent paradoxalement à ne rien montrer des événements tragiques dont elles se sont pourtant inspirées. Il semblerait en effet qu’au coeur de ces images traumatiques se trouve ainsi le schème d’une représentation qui s’accomplit en se neutralisant, dans sa disparition même.

14h45 > Florent Perrier (Université Rennes 2 – Dpt. Arts plastiques)

Outre le désert des corps : "Les Gisants" d'Agnès Geoffray

Intitulée Les Gisants (2015), l’œuvre proposée par Agnès Geoffray a pour matière un fond d’archives photographiques inédites dues à Gaston Chérau qui, en 1911, enregistra par l’image fixe les morts d’une guerre éloignée de colonisation, des corps meurtris anonymes pour lesquels, par l'effet d'une installation, elle a comme créé une sépulture posthume. Contenue et encadrée par un fragile cocon de soie, la violence meurtrière gagne là un écrin où l’individu sur l'image, même méconnaissable et à jamais soldat inconnu, vient pourtant affleurer, trace discrète d’une humanité préservée par delà toute disparition, tout décharnement. C’est à interroger comment ces peaux de soie ou ces pellicules d’être viennent à elles seules former un territoire de mémoire, avec leurs plis, leurs voilements ou leurs ombres portées, que sera consacrée cette intervention.

15h30 > Olivier Saint-Hilaire (EHESS)

"Clère & Schwander", une histoire photographique du désobusage

Les déchets de guerre (les munitions non explosées des deux guerres mondiales) n’en finissent pas de "polluer" le quotidien des populations des anciens champs de bataille. Comment vit-on avec cette présence ? Comment la photographie, à travers le cas d’une usine de désobusage oubliée, peut-elle contribuer à écrire l’histoire et parler de la persistance de la guerre dans l’espace et dans le temps.

16h00 > Discussion

16h30 > Bruno Elisabeth (Université Rennes 2 – Dpt. Arts plastiques) 

Visite commentée de l'exposition "La route de la Voie de la Liberté"

70 ans après les événements, ce travail photographique documentaire porte un regard contemporain sur la voie symbolique, à vocation commémorative, qui retrace l’avancée des troupes de libération américaines suite au débarquement du 6 juin 1944.
Organisation :
Pratiques et Théories de l’Art Contemporain
PTAC - EA 7472

Partenaires :
Département d’Ille-et-Vilaine - Service Action culturelle
Le Village, site d'expérimentation artistique
PHAKT – Centre Culturel Colombier

04/10/2017

Ecrans Variables - Frontières, cohabitations - Shooting Holy Land / Ligne verte



Cette première séance Ecrans Variables de la saison 2017-2018 s’inscrit sous le signe de la fracture qui marque la terre sacrée d’Israël et de Palestine. En ouverture de cette séance le film de Laurent Mareschal nous invite à une réflexion plastique et poétique, sous la forme du dévoilement progressif d’une architecture aussi massive que parasite scindant un paysage de paix et de quiétude. Le film de Gilad Baram nous invitera ensuite à découvrir le photographe Josef Koudelka au travail, parcourant cette terre d’Israël et de Palestine. Ce photographe, véritable icône du photojournalisme et d’une photographie documentaire de presse aussi exigeante qu’engagée, impose ici un regard plastique à travers une photographie panoramique et spectaculaire particulièrement apte à pointer la situation de tensions violentes qui régissent les relations Israélo-Palestiniennes.

ECRANS VARIABLES
Frontières, cohabitations

Mercredi 4 octobre 2017
18 h 00
Le Tambour / université Rennes 2
 





Ligne verte, Laurent Mareschal
2005-2008, video, 5’10”, DV 4/3, couleur, son stereo.

Une fresque peinte sur un mur défile lentement en gros plan sous nos yeux, comme dans un énième épisode de 'Palette'. Cette peinture en trompe-l'oeil représente le paysage situé derrière ce mur. Elle le nie donc. Mais en plus, elle se rebelle contre lui, quand les cactus et les oliviers qui la composent se mettent à vivre et à bouger (animation en images de synthèse). Ils détruisent leur support. C'est comme si la végétation poussait à l'intérieur de l'obstacle pour mieux le dynamiter. A la fin du film une partie de mur est détruite, et on réalise combien de travail il reste à faire pour mettre à bas cette folie bétonnée, quand on voit la perspective de la muraille continuer au loin. C'est comme si la nature apportait une esquisse de solution là où les hommes n'en trouvent pas... Ce mur, c'est celui qui sépare Israël de la Palestine. A aucun moment du film, on ne sait de quel côté on se trouve, aucun bâtiment, ni personne ne nous l'indique clairement, jusqu'à la fin où l'on entend des voix s'exprimer en Hébreu et Arabe. J'ai envie de montrer un obstacle insurmontable sur lequel la nature a repris ses droits. Comme si cette barrière de sécurité n'était plus qu'une ruine d'une mauvaise sculpture d'un land artiste paranoïaque et suicidaire, arrivé au pouvoir par inadvertance.



Shooting Holy Land
, Gilad Baram
 
Allemagne/République tchèque, 2015, 1h12, DCP

"40 ans après avoir photographié l’invasion soviétique à Prague, le photographe tchèque part en Israël et Palestine. Le film suit Koudelka d’une destination énigmatique et spectaculaire à une autre le long de son voyage pour photographier la Terre Sainte. Dans chaque lieu, qui deviendra bientôt une « photo Koudelka », une nouvelle scène se déroule et nous présente la méthode de travail de Koudelka et sa perception tant du monde qu’il documente que des gens qu’il rencontre.
Baram place Koudelka au centre de ses images époustouflantes, permettant ainsi à un dialogue fascinant de faire surface entre les images émouvantes que Baram crée et les photographies de Koudelka. Les images austères des paysages entrecoupés par des murs de béton et des barbelés révèlent l’absurdité horrifiante du conflit.
L’étude à long-terme du photographe sur le terrain par le réalisateur se mêle à l’utilisation de photographies d’archives exclusives de Koudelka. En résulte un rapport unique, qui nous donne accès à un regard intimiste au sein du processus de création solitaire de l’un des maîtres de la photographie actuelle."

Ayant grandi derrière le rideau de fer, Koudelka a toujours voulu savoir « ce qu’il y avait de l’autre côté ». Quarante ans après avoir saisi les images iconiques de l’invasion soviétique à Prague en 1968, invité à participer au projet collectif « This Place » à l’initiative de Frédéric Brenner, le photographe Magnum arrive en Israël et en Palestine. Profondément ému lorsqu’il découvre pour la première fois le mur de neuf mètres de haut construit par Israël en Cisjordanie, Koudelka embarque pour un projet de quatre ans dans cette zone, qui le confrontera à nouveau à la dure réalité du conflit.

Le réalisateur Gilad Baram, alors assistant de Koudelka, le suit dans son voyage à travers la Terre Sainte, d’un site énigmatique et visuellement spectaculaire à un autre. Dans chaque endroit – qui deviendra bientôt une « photo de Koudelka » – une nouvelle scène se déroule, dévoilant petit à petit la méthode de travail de Koudelka, la vision du monde dont il atteste et des gens qu’il rencontre.

Un dialogue fascinant se crée entre la cinématographie de Baram et les images figées de Koudelka, à mesure que Baram place le photographe dans ses propres compositions époustouflantes. Leurs images austères d’un paysage dessiné par les murs de béton et les fils de fer barbelés révèlent la tragique absurdité de ce conflit infâme.



Les projections Ecrans variables proposent quatre séances par an dans le cadre de la programmation Ciné Tambour de l’université Rennes 2. Elles portent un regard ouvert à un large spectre d’images en mouvement. Du cinéma d’avant-garde au documentaire, en passant par l’art vidéo et l’expérimental, ces séances se veulent l’occasion de découvrir des approches cinématographiques aussi variées qu’exigeantes.

Tarifs valables pour les séances Ciné-Tambour / Écrans Variables :
Adhésion 2 mois (septembre-octobre) : 5€
Les cartes d’adhésion sont vendues uniquement les soirs de projection.